Le hara-kiri de Nicolas Sarkozy 11

Par Dante

Nicolas Sarkozy à Londres - cc 10 Downing Street

Il ne pouvait pas être plus clair que ce matin, sur BFMTV, Nicolas Sarkozy : si je suis battu, j’arrête la politique.

Le si paraît tellement en trop tant le chef de l’état semble, depuis le début de sa campagne avoir intégré sa défaite. À mille détails, à des mots qui ressemblent plus à ceux d’un homme fatigué que d’un guerrier conquérant. Nous l’avions écrit il y a 3 semaines sur Ze Rédac. Cette tentation de Venise qui affleurait. Et qui transparaît au grand jour.

Nicolas Sarkozy aime la politique, viscéralement. Il l’a pratiqué depuis 30 ans, jour et nuit, il a accède à la plus haute fonction, le rêve le plus grands pour un élu : la présidence de la République. Mais au fond, cette victoire lui a fait plaisir quelques heures, quelques jours peut-être. Car ce qu’il aime le plus c’est la conquête et pas l’exercice du pouvoir. Un exercice trop corseté, trop contraint, trop classique pour ce transgresseur, qui ne débranche jamais dans sa tête. Une tempête sous un crâne. Une angoisse permanente qui justifie ce mouvement perpétuel. Incapable de rester avec lui-même, incapable de se poser. Sauf peut être aujourd’hui. Et l’on notera son accent de sincérité, sur France2 l’autre soir lorsqu’il dit  » aujourd’hui j’ai une famille je sais où aller « . Se poser, ailleurs, après un quinquennat infernal où il a certainement beaucoup souffert des attaques, mais où il a aussi fait beaucoup souffrir. Les petits, les sans-grades, les fonctionnaires, les ministres, François Fillon. Les citoyens, et au fond, ce que les français lui ont reproché, ça n’est pas tant son goût des reformes, et mêmes pas les réformes elles-mêmes. C’est son comportement. Sa brutalité, cette façon inconsidérée de déconsidérer en permanence son interlocuteur.

On est toujours comptable de ses attitudes. « Life is attitude« . Aujourd’hui Sarkozy n’a probablement plus envie de tout cela. Probablement a-t-il trouvé une forme d’apaisement qui étaient, de facto, la mécanique infernale de conquête. On me pardonnera cette psycho-politique mais avec lui, tout est tellement lié qu’il est impossible d’analyser un fait sans analyser le personnage. Si confusionnel, prisonnier de cette tempête sous un crâne.

Et lorsqu’il déclare chez Bourdin, « si je perds, j’arrête la politique« , il sait qu’il plante un drapeau de ligne d’arrivée. Imaginons un peu, l’état d’esprit des militants qui convergent vers Villepinte pour un meeting qui devait être celui du redémarrage. Avec cette déclaration comme un cri du cœur de leur leader qu’ils n’arrivent plus à pousser, tirer, vendre, défendre sur le terrain. Un engagement sincère pour quelqu’un qui n’en a plus le désir.

Et puis il y a une règle d’or en politique : on n’admet jamais une défaite, même avec un conditionnel. Jamais. Et on ne prononce jamais de phrase aussi définitive qui vous suivent et vous précèdent à jamais. Pour n’avoir pu résister à l’orgueil, contre-poison de son humiliation, Lionel Jospin le soir du 21 avril 2002, s’est fermé à jamais une porte à un point qu’il ne pouvait pas imaginer lui-même.

Ainsi on peut déjà imaginer Sarkozy vivant une autre vie. Banquier façon Schröder, conférencier façon Blair ou Clinton ? Gagner de l’argent ? Pourquoi pas. Et si on l’imaginait artiste ? Producteur, metteur en scène ?

En fait rien ne colle au personnage sauf la politique, qui fait intrinsèquement partie de sa vie.

Étrange pulsion suicidaire. Comme une façon certaine et de dire à la face des Français à quel point il souffre de ce désamour. L’affectivité, les émotions, encore et toujours. Même. Dans sa façon de sortir de scène au ralenti, il commet les mêmes erreurs.


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11 Commentaires

  1. « Et si on l’imaginait artiste ? Producteur, metteur en scène ? » …ou mis en examen, lorsque les casseroles ne seront plus sous clefs?

  2. Ping : Variae › Pourquoi Sarkozy envisage-t-il sa mort politique ?

  3. Et je le crois assez orgueilleux pour dire comme l’Etranger de Camus : « Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine ».
    Il faut de mon point de vue être un peu suicidaire pour aller à cette élection avec la quasi certitude de se faire battre à plates coutures et de plus par l’ex de celle qu’il avait lui-même battue en 2007. Il y a là quelque chose de la tragédie grecque.

  4. Ping : Villepinte, le chant du cygne « Ze Rédac

  5. Ah, les petites phrases….
    Le véritable point épineux n’est-il pas qu’avec les défauts qu’il a comme avec ceux qu’on lui prête, il demeure la candidature la moins pire du lot ?

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